Commençons par le plus évident: c'est bon, c'est même très bon, c'est franchement délicieux. Nous nous sommes régalés à la glacerie d'Anjou, en bas de la rue Plantagenet, près de la nouvelle halle.
Le plaisir s'annonce dès l'entrée en boutique. Nul clinquant, rien de flashy, pas de dessins envahissants de cornet de glace ni de néons fluos. Ici tout est sobre et élégant. Les murs, délicatement peint en un rose atténué souligné de gris perle, servent d'écrin à l'aspect cosy du lieu, pour déguster au calme, bien assis autour de trois tables bistrot.
Le plaisir est excité dès l'exposition des parfums: 22 sont offerts à la vue des clients, parfums variés, parfums changés régulièrement(1 à2 par jour) en dehors des grands classiques incontournables, parfums pour vous surprendre aussi avec des créations originales ou ancrées dans le patrimoine angevin comme la glace au Cointreau. Le dressage des bacs à glace évite la débauche de couleurs agressives ou tapageuses sillonnées de coulis. Ici la pistache n'est pas verte mais beige, la vanille n'est pas jaune mais blanc-crème aux minuscules grains noirs provenant de la gousse de Madagascar, et idem pour les sorbets aux fruits, au teint plus pâle qu’en fabrication semi-industrielle. Normal, les bons produits utilisés ignorent les colorants et les arômes artificiels ou les extraits. En cas d’hésitation sur un parfum, on vous offre avec le sourire de tester un échantillon sur une petite cuillère de bois.
Le plaisir en dégustation est à la fois fort et délicat. Les saveurs que nous avons consommées ce jour étaient puissantes (par exemple la passion, la mangue...) , mais jamais écœurantes ou saturées et savaient se faire regretter en demeurant longuement en bouche , comme un grand plat de cuisinier. La pistache ou la noisette possèdent un accent de graine torréfiée qui les rendent irrésistibles. La fraise( Mara des bois) est offerte à votre convoitise sous forme de crème glacée mais aussi de sorbet, pour un plaisir plus raffiné. Selon moi, le top du top , la révélation, le suprême qui rappelle à la fois l'enfance et l'ailleurs, c'est la vanille. Onctueuse à souhait, subtile, velours et tendresse, flatteuse et suave, à la fois simple et aux arômes riches, au parfum qui demeure longtemps au palais et plus encore en mémoire, elle est fabuleuse, digne des plus grands glaciers parisiens, et ma préférée.
Le plaisir à la glacerie d’Anjou est à la portée de la bourse du plus grand nombre. Point de folie des étiquettes de plage ou des boutiques branchées. Un prix semblable à celui des glaces servies un peu partout en ville, oui mais des glaces de riches textures, de savoir-faire traditionnel ou d’inventions inattendues selon votre humeur, et toujours de haute qualité ! Bref, c’est le produit de luxe au tarif ordinaire. Aujourd’hui , où le label glace-maison n’a quasi plus aucune valeur, les glaces d’Olivier Onfroy sont belles et bien artisanales, c’est-à-dire faites selon les règles de l’art par un homme de métier, un professionnel aguerri de la pâtisserie, passé par une école prestigieuse et des grandes maisons de la restauration, section dessert. Vous pouvez y voir les glaces se fabriquer devant vous , au fond de la boutique où l’atelier est visible à travers une ouverture dans le mur
Il est des plaisirs, simples, accessibles, qu’on dit petits (plus par habitude que par connaissance) , plaisirs auxquels on peut revenir souvent sans dommage, plaisirs qu’on peut partager et qui ont le pouvoir de vous rendre heureux pour l’après-midi. Ce sont ceux-ci que cet artisan cultive avec le souci de la perfection du professionnel et l’amour de l’amateur éclairé. Au Japon, la tradition est de nommer «trésor vivant » des hommes ou femmes dont la production quelle qu’elle soit , sans hiérarchie de catégorie ,œuvre à l’excellence. A Angers, on peut rêver qu’un jour, un Japonais fin gourmet …. En plus, s’il n’y a pas trop de monde , en parlant avec lui, vous verrez les yeux d’Olivier Onfroy briller, vous entendrez ses mots savoureux susciter votre envie en évoquant son parcours, ses produits , ses fabrications, ses créations futures.
Philippe O
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12 mars 2024
10,0